Mois de l’histoire des Noirs 2024 – Entrevue avec Bernadeth Betchi

    Bernadeth Betchi ACEP: Le thème du Mois de l’histoire des Noirs 2024 est L’excellence des personnes noires : un patrimoine à célébrer; un avenir à construire.  Que pensez-vous de ce thème? Vous interpelle-t-il en tant que femme noire immigrante et francophone?

Le thème du Mois de l’histoire des Noirs 2024, « L’excellence des personnes noires : un patrimoine à célébrer; un avenir à construire », me touche profondément en tant qu’immigrante francophone noire. Il résume l’essence de notre parcours collectif, en reconnaissant le riche patrimoine dont nous héritons et en célébrant la construction continue d’un avenir marqué par l’excellence.

En tant que femme noire naviguant dans les complexités d’être une immigrante francophone, ce thème me rappelle la force de mon patrimoine. Il reconnaît la résilience de ceux qui ont ouvert la voie, reconnaissant leurs triomphes et leurs tribulations. « L’excellence des personnes noires » incarne l’idée que nos racines ne sont pas seulement une source de fierté, mais aussi une base sur laquelle nous continuons à construire, à innover et à exceller.

Être une immigrante francophone ajoute une autre couche à ce récit. Cela souligne la diversité au sein de l’expérience des Noir.es, en soulignant l’importance des intersections linguistiques et culturelles. Le thème encourage une célébration de nos histoires uniques, façonnées à la fois par notre patrimoine africain et les diverses influences culturelles qui définissent la diaspora francophone.

En embrassant « l’excellence des personnes noires », je trouve l’autonomisation et un appel à l’action. Cela me pousse à contribuer au récit continu, en veillant à ce que l’avenir que j’aide à construire soit un avenir d’inclusion, de progrès et d’excellence inébranlable. Ce thème est une invitation à réfléchir sur le passé, à célébrer le présent et à s’engager activement à façonner un avenir qui amplifie l’éclat de l’excellence des personnes noires pour les générations à venir.

En novembre dernier, vous vous êtes portée candidate à la présidence de l’ACEP; une première dans les annales de l’Association. Vous êtes la première femme noire à vous présenter à ce poste. Vous n’avez pas obtenu le poste, mais votre candidature a suscité une grande attention. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous présenter au poste de présidence de l’ACEP?

Ma candidature à la présidence de l’Association canadienne des professionnels (ACEP) était animée par un profond désir d’une meilleure inclusion, d’une meilleure représentation et de la poursuite d’un changement positif au sein de l’organisation. Motivé par les principes basés sur l’authenticité, la compassion et bien entendu sur la diversité et l’équité, je reconnais l’impact transformateur qu’un leadership centré sur l’humain et une approche inclusive peut apporter à l’ACEP.

Être la première femme noire à postuler à la présidence a ajouté une dimension historique à ma candidature. J’ai vu cela non seulement comme un effort personnel, mais comme un engagement plus large pour briser les barrières systémiques et ouvrir la voie à une plus grande diversité dans les rôles de leadership au sein des organisations professionnelles. La représentativité est importante, et je crois que ma candidature a pu inspirer d’autres personnes, en particulier les membres de communautés sous-représentées et marginalisées, à considérer à se présenter comme des leaders et des contributeurs de la société.

Ma motivation découle d’une vision de l’ACEP en tant qu’organisation qui reflète la diversité de ses membres, favorisant un environnement où la voix de chacun est entendue et valorisée. Bien que le résultat n’ait peut-être pas été celui espéré, l’attention suscitée a souligné l’importance des discussions sur la diversité, l’équité et la représentation. Surtout pour nos membres noir.es qui sont plutôt invisibles dans cette organisation. J’espère que ma candidature a été un pas vers un avenir plus inclusif, encourageant le dialogue et la réflexion sur la nécessité de perspectives diverses en leadership pour assurer une communauté professionnelle plus forte et plus dynamique.

Selon vous, qu’est-ce que l’Association fait de bien et quels sont les changements que vous y auriez amenés?

Je m’attends avec impatience à être témoin des initiatives percutantes et des changements positifs que le nouveau Comité exécutif national (CEN) apportera à notre syndicat. Avec de nouvelles perspectives et une énergie renouvelée, je suis enthousiasmé par le potentiel de stratégies novatrices et de plaidoyer efficace que le nouveau CEN peut mettre en œuvre. J’ai hâte d’assister à l’évolution dynamique du syndicat sous la direction des dirigeants nouvellement nommés, en espérant que leur dévouement et leur vision ouvriront la voie à un avenir plus fort et plus inclusif.

Si on me donnait l’occasion de proposer des changements, je mettrais l’accent sur l’amélioration de la diversité et de l’inclusion au sein de l’organisation. Bien que l’ACEP affirme qu’elle est déterminée à représenter les intérêts de ses membres, je sais qu’il y a beaucoup de place à l’amélioration pour faire en sorte que les diverses voix soient non seulement entendues, mais activement incluses dans les processus décisionnels. Cela pourrait comprendre la mise en œuvre d’initiatives visant à accroître la représentation des groupes sous-représentés dans les rôles de leadership, à favoriser les programmes de mentorat et à promouvoir la sensibilisation à la diversité culturelle et de genre au sein de l’association.

De plus, je préconise l’intégration de technologies novatrices pour rationaliser la communication et l’engagement. L’amélioration de la présence numérique de l’ACEP au moyen de plateformes conviviales et de ressources virtuelles faciliterait non seulement l’accès à l’information, mais garantirait également que l’association demeure agile et réactive dans un paysage professionnel en constante évolution. L’adoption de ces changements contribuerait à rendre l’ACEP plus dynamique et inclusive, mieux outillée pour répondre aux besoins changeants de ses membres d’un océan à l’autre. 

Que pouvez-vous nous dire de votre expérience du racisme anti-Noir·es et de la discrimination au travail, et quel message avez-vous à transmettre aux personnes qui pourraient être victimes de ces situations regrettables?

En tant que professionnelle noire, j’ai rencontré des cas de racisme et de discrimination envers les Noir.es au travail, des expériences qui ont été à la fois décourageantes, difficiles et traumatisantes. Des micro-agressions subtiles aux actes plus manifestes, ces rencontres soulignent le besoin persistant d’une sensibilisation accrue et d’un changement systémique. Subir un traitement injuste basé sur la race peut avoir un impact émotionnel continu, affectant à la fois la performance professionnelle et le bien-être personnel.

À celles et ceux qui font face à des défis similaires, je voudrais vous dire que je vous vois, je vous crois et je vous soutiens dans votre réalité. Sachez que vous n’êtes pas seul·es et que vous n’avez pas à souffrir en silence. Malheureusement, nous sommes nombreux à avoir fait face à des difficultés similaires. Cherchez des allié·es dans votre milieu de travail et au-delà qui peuvent offrir des conseils et une oreille compréhensive et défendre vos droits. Ensuite,  envisagez de documenter les incidents et de les signaler de façon officielle. Défendre vos intérêts et ceux des autres contribue à éliminer les préjugés systémiques.

De plus, l’éducation est un outil puissant qui encourage les discussions ouvertes sur le racisme et les différents milieux de travail. Enfin, souvenez-vous de votre valeur et de vos capacités. Vous avez le droit à votre place, et votre perspective unique enrichit le paysage professionnel et le monde. Alors que nous travaillons collectivement à l’éradication de la discrimination en milieu de travail, il est essentiel de rester fermes et uni·es contre de telles injustices pour bâtir un avenir plus inclusif et équitable pour tout le monde.

Quel rôle peuvent jouer les syndicats du secteur public fédéral, comme l’ACEP, dans la lutte contre le racisme anti-Noir·es et la discrimination raciale au travail, et comment les syndicats peuvent-ils collaborer avec les fonctionnaires noir·es et les soutenir dans le travail qu’elles et ils font à cet égard?

Les syndicats du secteur public fédéral, y compris l’ACEP, devraient jouer un rôle crucial dans la lutte contre le racisme envers les Noir.es et la discrimination raciale en milieu de travail. Premièrement, ces syndicats devraient militer activement pour la mise en œuvre et l’application de politiques qui favorisent la diversité, l’équité et l’inclusion. Cela suppose de collaborer avec les organismes gouvernementaux pour veiller à ce que les initiatives de lutte contre le racisme soient intégrées aux pratiques en milieu de travail.

Pour mobiliser les employé·es noir.es de la fonction publique fédérale, les syndicats doivent prioriser la représentation et l’inclusion. Cela comprend la participation active des personnes noires aux rôles de leadership et aux processus de prise de décisions, en veillant à ce que leurs voix contribuent à l’élaboration de politiques et de pratiques. Les syndicats peuvent également organiser des forums ou des groupes d’affinité pour répondre spécifiquement aux préoccupations des employés noir.es, favoriser un sentiment de communauté et fournir une plate-forme de dialogue ouvert.

Pour soutenir le travail continu dans ce domaine, il faut fournir des ressources pour l’éducation et la formation sur la lutte contre le racisme, la sensibilité culturelle, les biais, les conversations tenant compte des traumatismes, etc. Les syndicats peuvent collaborer avec les employeurs pour créer des programmes de parrainage, des possibilités de perfectionnement professionnel et des moyens de signaler et d’éliminer la discrimination.

En fin de compte, les syndicats du secteur public fédéral peuvent agir comme de puissants défenseurs du changement systémique, en travaillant en collaboration avec les employeurs et les employés pour éradiquer le racisme anti-Noir·es en milieu de travail. En favorisant un environnement d’inclusion, de représentation et de formation continue, les syndicats peuvent contribuer de manière significative à la création de milieux de travail véritablement équitables pour tout le monde.