L’ACEP ravie que la Cour suprême affirme que le droit de grève est une composante essentielle du droit à la libre négociation

L’ACEP est ravie du jugement rendu le 30 janvier par la Cour suprême du Canada qui reconnaît que le droit de grève constitue un élément essentiel d'un processus véritable de négociation collective. Le jugement de la Cour signifie que ce droit est désormais protégé par la Charte canadienne des droits.

Selon la juge Rosalie Abella qui a rédigé la décision majoritaire, « le droit de grève n’est pas seulement dérivé de la négociation collective, il en constitue une composante indispensable. Le temps me paraît venu de le consacrer constitutionnellement. »

La cause entendue par la Cour concernait le Public Service Essential Services Act, adopté en 2008 par le gouvernement de la Saskatchewan et qui limitait pratiquement le droit de grève des employés de la fonction publique de la province.

Selon la Cour, si le législateur souhaite limiter le droit de grève, « d’une manière qui entrave substantiellement le droit à un processus véritable de négociation collective, il doit être remplacé par l’un ou l’autre des mécanismes véritables de règlement des différends qui sont couramment employés en relations de travail. » Les juges ont conclu que dans de tels cas il faut offrir aux travailleurs un mécanisme de résolution des conflits. La Saskatchewan avait refusé d’inclure dans la loi une disposition permettant à ses travailleurs touchés par la limitation de leur droit de grève de recourir à l’arbitrage. La Cour écrit plus loin : « Parce qu’elle supprime le droit de grève d’un certain nombre de salariés sans le remplacer par un tel mécanisme, la loi saskatchewannaise en cause est inconstitutionnelle. »

Pour la présidente de l’ACEP, Emmanuelle Tremblay, « il est clair qu’il y a de nombreuses similitudes entre la loi de la Saskatchewan, qui vient d’être déclarée inconstitutionnelle, et des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui ont été incluses dans la Loi de mise en œuvre du budget de 2013. Dans les deux cas le législateur limite le droit de grève. » La Loi fédérale stipule que le gouvernement canadien « a le droit exclusif de décider que des services, installations ou activités de l’État fédéral sont essentiels parce qu’ils sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public. » Selon Mme Tremblay, « nous estimons que la décision de la Cour invalide cette disposition puisqu’elle contrevient au droit de grève. »

L’ACEP va examiner ce que signifie la décision de la Cour suprême quant au processus de négociation en cours pour ses membres des groupes EC et TR. Toutefois, nous invitons dès aujourd’hui le Conseil du Trésor à revoir les dispositions entourant le droit de grève incluses dans la Loi de mise en œuvre du budget de 2013 et d’y apporter immédiatement des modifications afin de rétablir l’intégrité du processus de négociation à la lumière du jugement de la Cour suprême. 

Selon Emmanuelle Tremblay, « nous constatons également que la décision de la Cour, suivant celle accordant aux policiers de la GRC le droit de former un syndicat, vient rappeler au gouvernement conservateur que son agenda antisyndical vise certainement à plaire à son électorat réactionnaire, mais, à l’évidence, ne respecte pas les droits fondamentaux des Canadiens. Un gouvernement aveuglé par son idéologie ne peut pas retirer des droits fondamentaux et c’est ce que la cour a rappelé au gouvernement conservateur. »

Par ailleurs, l’ACEP a pris acte de l’autre volet de la décision de la Cour concernant le seuil minimal permettant le retrait de l’accréditation d’un syndicat. La Saskatchewan l’a fixé à 45 % dans une loi qui a été jugée constitutionnelle par la Cour suprême, alors que le gouvernement conservateur dans sa loi C-525 l’a fixé à 40 %. Selon la Cour, ce n’est pas un seuil si excessif qui empêcherait la formation de syndicats.

« Pour les syndicats canadiens, conclut Emmanuelle Tremblay, la décision de la cour sur cet aspect signifie que le combat pour rétablir l’équilibre en faveur des travailleurs devra nécessairement se faire sur la scène politique et non juridique. La prochaine campagne électorale permettra de découvrir quels partis fédéraux sont en faveur d’un plus grand accès des syndicats aux travailleurs. Plusieurs analyses économiques récentes ont démontré que la couverture syndicale dans une société est l’un des meilleurs remparts contre les inégalités économiques croissantes. »


Analyse du jugement

Le cabinet Sack Goldblatt Mitchell LLP, qui représentait l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Congrès du travail du Canada en Cour suprême dans cette affaire, a publié une analyse du jugement, dont la version anglaise est disponible sur le site de SGM.